Une des méthodes les plus sous-estimées pour améliorer sa technique, mais aussi ses autres compétences, c’est le jeu libre.
Quand je parle de “jeu libre”, je veux dire simplement renvoyer la balle avec ton partenaire, au milieu du court, à la recherche de contrôle pour offrir une balle confortable, dans une zone de frappe facile, lui permettant de te la renvoyer, le tout avec une certaine constance. Certains joueurs ne voient pas l’intérêt de jouer comme ça, en renvoyant seulement au centre, et trouvent cette façon de s’entraîner ennuyante. Ils préfèrent la plupart du temps jouer des points ou au moins faire des exercices spécifiques, avec certaines situations type, rendant le jeu plus excitant. Oui, c’est certainement plus excitant pour leur égo, mais si tu cherches sérieusement à t’améliorer sur le long terme, alors tu dois passer un temps considérable à travailler ton jeu et ta technique. C’est ce que permet le jeu libre.
Le bénéfice n°1 du jeu libre
La principale raison de jouer comme ça, c’est de pouvoir pratiquer librement, sans aucune pression. Tu ne joues pas pour des points. Pas conséquent, tu ne te préoccupes pas du score ou de ce que ton adversaire va faire. Personne ne va chercher à monter au filet. Et, dans le meilleur des cas, il n’y a aucune émotion (surtout pas négative) quand tu rates un coup. En d’autres termes, ton esprit est calme et libéré. Seulement à partir de ce moment, tu peux être plus conscient du feedback permanent que tu reçois, de ton corps et de tes pensées.
Deuxièmement, quand tu es calme, tu es également détendu. Il n’y a qu’avec un corps détendu qu’il est possible d’apporter des corrections à une technique déjà existante. La majorité des leçons que vous trouverez en ligne ou auprès d’un enseignant s’emploie à corriger vos frappes. Ce qui est la partie visible de vos compétences. Mais en plus de ça, il y a tout un tas d’autres aptitudes, invisibles cette fois, qui tu dois maîtriser pour pouvoir jouer au tennis à un autre niveau.
Voici quelques-unes de ces aptitudes invisibles (ou moins évidentes) :
- gérer le timing de tes frappes, à savoir frapper la balle systématiquement au point de contact idéal.
- avoir un bon rythme de frappe, c’est-à-dire préparer tôt et synchroniser ton geste avec la trajectoire de la balle.
- avoir un bon équilibre.
- voir la balle clairement, ce qui te permet d’avoir un bon rythme et timing.
- frapper la balle avec un transfert du poids du corps vers l’avant pour pouvoir l’envoyer plus fort avec moins d’effort.
- toucher la majorité de tes balles avec la zone centrale de ta raquette.
- avoir une intention de jeu claire
- respirer correctement (expirer à la frappe et ne pas jouer en apnée).
- etc.
Quand tu n’es pas sous pression, tu as suffisamment de temps pour prendre conscience de tous les retours de ta dernière frappe. C’est uniquement possible quand tu ne te sens pas pressé immédiatement après ton coup, pressé de revenir couvrir ton terrain, pressé de regarder ton adversaire pour engranger de l’information. À partir de ce moment, tu pourras prêter attention à tout ce que j’ai listé plus haut. Tu seras alors capable de savoir si tu es bien équilibré, si tu ne frappes trop tard, si tu vois la balle clairement, si tu frappes au centre de ta raquette, etc. Et tout ce feedback te permettra de constamment t’ajuster pour le coup suivant et graduellement améliorer tes compétences au fil du temps.
Pourquoi jouer des points n’améliore pas ta technique (ni tes autres compétences) ?
Quand ta technique n’est pas suffisamment propre pour être stable, constante, sans effort et te permettant de frapper avec précision, alors jouer pour des points est la pire chose que tu puisses faire. Pourquoi ? Parce que tu vas constamment improviser. De cette manière, tu vas faire beaucoup de petits mouvements saccadés qui vont t’empêcher de jouer tes frappes comme tu le veux. En situation de point, tu ne peux te concentrer sur toutes les compétences annexes mais importantes dont on a parlé plus haut. En somme, tu ne fais que renforcer de mauvaises habitudes de jeu, ce qui rend encore plus difficile ta progression.
Personnellement, j’ai découvert les bienfaits du jeu-libre tardivement. Aujourd’hui, cela me permet de jouer de manière DÉCONTRACTÉE durant mes entraînements et d’être plus facilement conscient de mes toutes mes faiblesses et des défauts dans ma technique et mes compétences. Cette approche me laisse la possibilité de travailler ces aptitudes de manière prolongée. Je me souviens de frapper la balle tard et passer des sessions entières, pendant des mois, à me concentrer sur mon timing et le rythme de mes frappes pour ne plus jamais (ou presque) être en retard. J’ai pratiqué des dizaines, si ce n’est des centaines, d’heures à jouer sans pression, à simplement renvoyer la balle au milieu du terrain de mon partenaire. Durant ces sessions, j’ai perfectionné mes compétences une à une jusqu’à ce qu’elles atteignent une stabilité telle qu’elles ne craquent plus sous la pression des matchs.
Le problème n°1 des joueurs de tennis en loisir, c’est d’être très tendus et de muscler leur frappe ce qui, paradoxalement, n’aide pas leur balle à aller plus vite. Et ces mauvaises habitudes qui nécessitent des années pour s’en débarrasser provient du fait que les joueurs s’engagent dans des compétitions bien avant d’être prêt pour ce format de jeu. Ils expérimentent la pression en situation de match, ce qui tend encore plus leur jeu. Ils jouent dans un état de stress permanent, improvisant avec une technique qui n’est pas suffisamment solide. Et puisque c’est leur manière la plus courante de jouer (jouer des points, en compétition ou pas), leur corps et leur esprit enregistre cet état de tension comme une habitude.
Si tu cherches réellement à améliorer ton tennis sur le long terme, alors tu dois pratiquer beaucoup plus en situation de non-stress pour travailler ta technique et toutes les autres compétences. Alors seulement, tu pourras atteindre un autre niveau de jeu. Une fois que tes aptitudes se seront améliorées, tes résultats en compétition pourront progresser également.
Note : Bien entendu, si quelqu’un n’a jamais participé à une compétition et commence à en faire, il va expérimenter beaucoup d’anxiété face à une situation dans laquelle son ego est en danger en cas de défaite. Cela prend quelques matchs pour se détacher de cette pression et jouer de manière plus détachée. Mais, comme dans tous les sports (et même d’autres apprentissages comme les instruments de musiques), le rapport temps d’entraînement sur temps de compétition est et doit rester largement en faveur de l’entraînement.
Comment améliorer ta technique et tes compétences en jeu libre
Il y a 2 manières possibles de travailler pendant tes sessions de jeu libre :
- se concentrer sur un aspect à la fois ou
- prendre du feedback après chaque frappe et s’ajuster pour la suivante.
1. Se concentrer sur une chose à la fois
Je te recommande vivement de commencer par cette méthode pour les 5 à 10 premières minutes. Si, par exemple, j’ai 3 défauts majeurs dans ton jeu comme :
- ne pas bouger et faire uniquement des grands pas,
- ne pas lever ta tête de raquette lors de la préparation et
- frapper la balle tard.
Alors je dois en priorité travailler sur tes mouvements et ces grands pas pendant 5 à 10 minutes sans penser à autre chose. Ce qui tracasse les joueurs quand ils se concentrent sur un aspect seulement, c’est qu’ils sont conscients que leurs autres défauts sont encore là. Ne te préoccupe pas de ça ! C’est un processus d’apprentissage complètement normal de se concentrer sur une chose à la fois (c’est comme ça que notre cerveau fonctionne). Donc si je porte mon attention sur mes déplacements pour faire des petits pas mais que je continue à frapper la balle tardivement, ce n’est pas grave. Chaque compétence s’améliore au fur et à mesure que l’on passe du temps à la travailler.
Si mes déplacements sont à un niveau de 2/10 et que, bien sûr, mon objectif est de les améliorer jusqu’à 10/10 à long terme, et si je me concentre dessus et ne travaille que ce point-là pendant quelques sessions, alors je ferai passer cette compétence à 3/10 et ainsi de suite. Et même si je ne me concentre plus sur mes mouvements quand j’aurai commencé à travailler sur ma préparation, le processus d’apprentissage a déjà commencé. Au fur et à mesure du temps que tu passes pour améliorer tes compétences, tu vas te rendre compte que chacune d’entre elles progresse, même en les travaillant individuellement. C’est seulement en portant toute ton attention disponible que tu vas réellement développer ton jeu. Si tu laisses partir ta concentration, il y a de grandes chances pour que les vieilles habitudes reviennent très vite. À partir du moment où tes compétences sont à un bon niveau de maîtrise, disons un 7/10 ou plus, alors seulement, tu peux commencer à les travailler ensemble, 2 ou 3 à la fois. Mais comme tu t’en doutes, cela demande un grand niveau de concentration de constamment te rappeler, sur chaque frappe, les 3 compétences sur lesquelles tu veux progresser, surtout avec le peu de temps que tu as entre 2 frappes.
2. Feedback et ajustement
La seconde méthode pour travailler, c’est de prendre du feedback à chaque frappe, d’être conscient de ce qui n’est pas bon et de le corriger pour la suivante. Quand tu t’entraînes de cette façon, tu joues simplement une balle et fais un rapide bilan de ce qui n’était pas correct. Peut-être que tu as senti que tu avais frappé la balle trop tard, donc sur la prochaine, tu seras attentif à toucher la balle devant toi. Sur la frappe suivant, tu te rends compte que tu n’as pas vraiment centré la balle parce que tu ne l’as pas correctement suivi des yeux. Tant que tu joues, tu dois constamment être à la recherche de feedback pour faire de petits ajustements sur les balles suivantes. Comme tu peux le voir, ton attention saute sans arrêt d’une compétence à l’autre en un laps de temps très court. Tu ne peux faire cela que si tes compétences sont déjà à un niveau correct et si tu es capable de gérer autant d’informations.
Et ce n’est évidemment possible qu’en situation non-compétitive, quand tu reçois des balles faciles et pas trop rapides de ton partenaire. Si celui-ci ne peut pas te fournir des balles à des vitesses, hauteurs et profondeurs à peu près identiques, alors tu vas avoir du mal à t’adapter aux différentes frappes et à corriger ton jeu en même temps. Tu ne peux t’améliorer et stabiliser ta technique que si tu reçois plusieurs balles similaires d’affilée. Pour quelle autre raison tu crois que les entraîneurs nous envoient des balles depuis un panier, en club ? Parce qu’il faut un certain temps pour consolider sa technique en condition facile. Une fois que ta technique est correcte en mode facile, ton entraîneur peut commencer à varier les balles que tu reçois. En général, après une version au panier, il te propose une situation de jeu dirigé, dans laquelle tu vas devoir appliquer ce que tu as vu précédemment. Quand tu t’entraînes tout seul, tu dois suivre le même schéma pour pouvoir obtenir des résultats.
Un point encore plus important : peu importe la manière dont tu vas choisir de t’entraîner, tu ne pourras pas te concentrer sur tes défauts sans avoir une idée, même générale, du type de balle que tu veux envoyer. Tu dois avoir une intention de jeu claire, celle de renvoyer une belle balle pour ton partenaire. Après tout, c’est le but de ton entraînement : être capable d’envoyer la balle où tu veux. Tu peux te perdre dans les détails techniques d’un coup droit ou d’un revers et oublier ce que tu voulais faire de cette balle que tu reçois. C’est comme conduire une voiture en oubliant de regarder la route tellement tu as en tête la gestion des pédales et des vitesses. En ayant en tête cette volonté d’envoyer une balle propre, facile à jouer, dans la zone de frappe de ton partenaire, tu lui permets à lui aussi de faire un beau coup, ce qui te donne une chance d’avoir, à nouveau, une balle facile, etc. Tu dois garder un œil sur ce qu’il se passe de l’autre côté du filet. Quel type de balle reçoit ton partenaire ? Était-elle trop courte ? Trop haute ? Trop rapide ? En étant conscient de la balle que tu envoies, tu vas pouvoir également ajuster ta cible. Parce que tu ne travailles pas seulement sur l’aspect technico-technique d’une frappe, tu travailles également sur tes sensations. Travailler ses sensations, cela signifie essayer de déterminer la bonne direction, la bonne hauteur, la bonne quantité de vitesse et de rotation que tu veux imprimer à la balle pour qu’elle aille globalement où tu veux.
Pourquoi le jeu libre n’est pas ennuyant
Certains joueurs disent que le jeu libre est ennuyant et qu’ils préfèrent jouer des points parce que c’est plus excitant (et gratifiant). Oui, c’est gratifiant pour ton ego quand tu bats un adversaire et que tu te sens supérieur pour un moment. Mais si ton but, c’est d’amener ton jeu à un niveau de maîtrise supérieur, tu dois travailler sur ta technique et sur tes compétences comme le font tous les sportifs sérieux, dans tous les sports. Et quand je pratique la seconde version du jeu libre que je te propose, je peux me rendre compte que dans les ¾ des frappes que je fais, quelque chose ne va pas. Même si, vu de l’extérieur, elles sont correctes et dans le terrain, je reste conscient que :
- celle-là était un peu plus courte que prévue,
- celle-là était plus haute que prévue,
- j’étais en retard sur celle-là,
- je n’ai pas centré la balle sur cette frappe,
- etc.
Cela signifie que je suis constamment en train d’échouer dans ce que j’essaie de faire. Si je suis motivé pour faire progresser mon jeu et que je constate que sur plus de la moitié de mes frappes quelque chose n’est pas correct, c’est certainement pas ennuyant pour moi ! C’est même ultra-motivant et cela va augmenter ma volonté de me concentrer ! Et avec un tel niveau de concentration, le temps passe très vite. Tu peux jouer pendant 1h et avoir l’impression d’être sur le court depuis 20 minutes seulement. Voilà pourquoi je peux faire ça pendant 2h avec de courtes pauses pour se reposer et boire.
Je cherche également à varier les partenaires de jeu pour recevoir des balles différentes. De cette manière, je continue d’ajuster mes frappes et de challenger mes compétences actuelles. Je sais que j’ai fait progresser ma technique et les aptitudes mentionnées dans cet article à travers le jeu libre, bien plus que par les points ou certains exercices.
Je sais que la plupart des lecteurs ne pratiquent pas beaucoup le jeu libre et n’ont pas le temps de calmer leurs pensées. C’est uniquement avec un esprit calme que tu peux prendre conscience que ton corps t’envoie constamment des informations (mais il n’est pas possible de “l’entendre” quand tu joues un match).
Une pratique harmonieuse et comment elle affecte l’esprit
Le dernier et probablement le plus grand bénéfice que tu puisses tirer du jeu libre, c’est bien ça : quand tu joues sans pression, ton corps est plus détendu. Comme ton corps est détendu, tu peux commencer à faire des ajustements. Des muscles tendus et des articulations bloqués ne permettent aucun mouvement. Ta technique ne peut donc pas changer. Seul un corps relâché permet le changement. Il va alors commencer à bouger de manière plus fluide et harmonieuse. Mon partenaire de jeu et moi-même avons souvent expérimenté la manière dont cette fluidité affecte notre tête. En effet, plus les mouvements étaient harmonieux, plus notre état d’esprit était apaisé. En d’autres termes, nos esprits étaient complètement absorbés par la balle et donc le moment présent. Finalement, cette sensation se rapproche un peu de la méditation.
On se concentre uniquement sur le moment présent. On entre dans un état un peu second dans lequel on ne ressent aucun stress, aucune inquiétude, aucune émotion forte. On ressent une sorte de béatitude. Et plus tu peux expérimenter cela sur le court, plus cela te transforme en tant que personne parce que tu vas transporter cet état d’esprit de plus en plus avec toi, sur le court et en dehors.
Est-ce que ça ne vaut pas le coup de passer plus de temps à rechercher un état de bien-être sur le court plutôt que chercher à tout prix à battre un adversaire ? La balle est dans ton camp.
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